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Premières de corvées, premières mobilisées à Guingamp

Les femmes ont toujours été impliquées dans les luttes sociales, mais leur présence est particulièrement remarquée depuis le début du mouvement des « gilets jaunes ». Ce sont elles qui tenaient le mégaphone lors de la manifestation intersyndicale du 5 février 2019, à Guingamp. Rencontre avec Frambroise Clausse, conseillère en orientation professionnelle, Soizic Roche, aide-soignante dans un Ehpad, et Marie-Françoise Zanchi, secrétaire générale de la CGT de l’aide et des soins à domicile des Côtes-d’Armor.

Plusieurs dizaines de « gilets jaunes » ont répondu à l’appel des syndicats CGT, Solidaires et FSU, lors de la journée de grève du 5 février 2019, à Guingamp. Une première pour un mouvement qui veille jalousement à son indépendance vis-à-vis de toute structure établie et au sujet duquel nombre de syndicalistes ont d’abord eu de la méfiance, y voyant la main de l’extrême-droite et des mots d’ordre poujadistes.

Quatre prises de parole ont inauguré le rassemblement, entre le rond-point du Vally et l’ancien monastère des Augustines hospitalières – réhabilité en mairie. Flora Bochet, secrétaire générale de l’union locale CGT, a d’abord lu le texte commun, dénonçant notamment « la précarité organisée dans les entreprises locales, notamment dans l’agroalimentaire, le commerce, les services » (vidéo ci-dessous).

Framboise Clausse, « gilet jaune » de Kernilien a livré un témoignage plus personnel, racontant la maltraitance dont a souffert sa mère, en maison de retraite « du fait du manque de moyens » (idem).

« Les femmes sortent de leurs cuisines, elles sortent de leurs usines »

Auteure d’un livre publié en 2009 intitulé « À ma mère, à mes filles, à vous toutes » (éditions Épée Et Chemins), dans lequel est relaté son « parcours de guérison » après le viol dont elle a été victime à l’âge de 18 ans, la militante féministe se réjouit de la mobilisation en cours.

« On n’a jamais vu autant de femmes dans les rues, constate Framboise Clausse. Ça, c’est très particulier, parce que les hommes ont l’habitude d’occuper le terrain, c’est plus facile. Pour nous les femmes c’est toujours un effort supplémentaire d’agir dans le domaine public, de se montrer, de prendre la parole. Et aujourd’hui, les femmes sortent de leurs cuisines, sortent de leurs usines, parce qu’elles voudraient que le monde soit meilleur pour leurs enfants. »

Les premières études sociologiques confirment cette observation. (lire l’encadré ci-dessous)

Des travailleuses malades du « care »

Les femmes étant largement majoritaires dans les professions du soin, du « care » en anglais, c’est assez logiquement que se trouve à Guingamp une délégation 100 % féminine du syndicat départemental CGT de l’aide et du soin à domicile.

Ces aides à domicile et autres aides-soignantes courent la campagne pour veiller sur des personnes fragiles, le plus souvent âgées. Un travail qui nécessite de l’empathie, pratiqué en dépit de contrats à temps partiel, comprenant des amplitudes horaires souvent indécentes (9 h – 19 h, payés 5 heures), pour un salaire inférieur au Smic, résume Soizic Roche, qui travaille dans un Ehpad, à Plestin-Les-Grèves. « Nos métiers sont en train de disparaître », tranche-t-elle, en appelant au Conseil départemental, à l’Agence régionale de santé et à l’Etat.

Sa secrétaire générale, Marie-Françoise Zanchi, est convaincue que les employeurs profitent d’une certaine docilité de ces travailleuses pour rogner sur les primes et même sur les frais de déplacement. Le syndicat dénonce la fusion des 80 structures des Côtes-d’Armor, initiée en 2017 par le Conseil départemental à majorité LR-UDI, qui aboutit à des compressions d’effectifs et à des temps de trajets rallongés. Des groupes privés ont parfois repris l’activité gérée jusqu’à présent par des associations, en lien avec les collectivités locales.

Plusieurs marches de femmes « gilets jaunes » ont illustré le besoin de mettre en avant des revendications spécifiques, comme l’égalité de salaires entre les sexes ou la pénalisation réelle des violences conjugales. L’une des plus importantes s’est d’ailleurs déroulée le dimanche 26 janvier, à Saint-Brieuc. Menée par des militantes grimées en Marianne, elle avait réunie près de 300 personnes. Les journalistes présents avaient souligné le caractère pacifique de cette manifestation, contrastant avec les violences observées la veille, à Rennes.

Des femmes majoritaires chez les « gilets jaunes », plus qu’une impression
Selon l’enquête menée par cinq sociologues de Sciences Po Grenoble, par le biais de questionnaires en ligne diffusés sur 300 groupes Facebook de « gilets jaunes », 56 % des 1.455 réponses exploitées émanent de femmes. Elles apparaissent toutefois surreprésentées dans l’échantillon des manifestant·e·s « moins actif·ve·s ».
Les chercheurs insistent sur l’importante proportion de « gilets jaunes » en situation de forte précarité. Ils sont 74 %, soit le double de la moyenne nationale. Les femmes (78 %) sont plus touchées que les hommes (68 %).

Leurs prises de parole


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Ils y ont laissé leur santé, deux ouvriers en guerre contre l’agro-industrie

Pascal Brigant a rendez-vous aux prud’hommes de Guingamp le 28 février 2019. Claude Le Guyader s’apprête à lancer une procédure pour « faute inexcusable » contre Nutréa-Triskalia. La suite d’un marathon judiciaire pour ces deux anciens salariés du site de stockage des céréales de Plouisy (Côtes-d’Armor), atteints d’hypersensibilité aux produits chimiques multiples et licenciés pour inaptitude à leur poste.

En 2009, l’un travaille dans un bureau accolé au poste de fabrication d’aliments du bétail, l’autre charge les céréales puis les transporte en camion dans les fermes. Leur santé se dégrade rapidement, comme celles de Laurent Guillou et Stéphane Rouxel, deux collègues chargés de réceptionner les céréales amenées depuis les silos.

Quelques mois plus tôt, la direction a décidé de couper la ventilation pour faire des économies. Très vite, la température grimpe et permet aux charançons et aux vers de farine de proliférer, au point de dégager une odeur pestilentielle.

Pour sauver les 20.000 tonnes de céréales, Triskalia décide au printemps 2009 d’asperger du Nuvan Total, un insecticide interdit depuis déjà deux ans. Malgré les premières alertes, le même scénario se reproduit l’année suivante. Les céréales sont cette fois traitées avec du Nuvagrain, avant d’être acheminées dans des exploitations où, ingurgitées par les bêtes, elles intègrent la chaîne alimentaire.

Le combat de leur vie

Mécontents vis-à-vis de la CFDT, qu’ils accusent d’être un « syndicat-maison », les ouvriers trouvent du soutien auprès de Serge Le Quéau, de l’Union syndicale Solidaires, à Saint-Brieuc. Laurent Guillou et Stéphane Rouxel réussissent à déposer plainte à la gendarmerie en mai 2010, ouvrant la procédure pénale.

Pascal Brigant, Claude Le Guyader, Laurent Guillou et Stéphane Rouxel empilent les dossiers de procédure depuis dix pour faire condamner la coopérative Nutréa-Triskalia, responsable de leur empoisonnement aux pesticides. Crédit Serge Le Quéau
Pascal Brigant, Claude Le Guyader, Laurent Guillou et Stéphane Rouxel empilent les dossiers de procédure depuis dix pour faire condamner la coopérative Nutréa-Triskalia, responsable de leur empoisonnement aux pesticides. Crédit Serge Le Quéau

Défendus par Me François Lafforgue, avocat spécialisé dans la défense des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, Laurent Guillou et Stéphane Rouxel obtiennent en 2014 la condamnation de Nutréa pour faute inexcusable devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Brieuc.

Entre-temps Pascal Brigant et Claude Le Guyader rejoignent le combat.

En septembre 2015, c’est la veuve de Gwénaël Le Goffic qui obtient la reconnaissance du suicide de son mari comme accident du travail, contre l’avis de la Mutuelle sociale agricole (MSA). Ce chauffeur s’est pendu dans un hangar du site de Plouisy avec une pièce de son camion. Lui-même avait été victime d’un accident lors du déchargement de sacs d’aliments médicamenteux destinés aux porcelets. Sa lettre d’adieu est écrite sur l’étiquette des produits qu’il suspectait de lui avoir brûlé les yeux.

Les victoires s’enchaînent et en septembre 2016, Laurent Guillou et Stéphane Rouxel obtiennent 100.000 € de dédommagements pour le préjudice subi. Une première pour une affaire d’hypersensibilité dans l’agroalimentaire. Leur licenciement est ensuite jugé « sans cause réelle et sérieuse pour manquement à l’obligation de sécurité et insuffisance de recherche de reclassement ». La coopérative leur doit près de 21.000 € chacun.

Claude Le Guyader obtient à son tour une reconnaissance de son hypersensibilité comme maladie professionnelle en mars 2018. Ce n’est pas le cas de Pascal Brigant, auquel une commission reproche l’absence d’une prise de sang.

Interrogés par Le Monde en 2016, les DRH de Nutréa et Triskalia, Frédéric Soudon et Nicolas Douillard, estiment que ce dossier les dépasse. « Certains veulent faire interdire les pesticides le plus vite possible et Triskalia sert de bouc émissaire. […] Nous menons aujourd’hui une politique de protection, de formation des salariés. Il y a vingt ans, les précautions à l’encontre des produits phytosanitaires n’existaient pas, témoigne Frédéric Soudon. Ce sont des produits dangereux, on ne va pas affirmer le contraire. »

Des victimes devenues sentinelles

Si ces affaires n’ont pas encore motivé les industriels à se passer des pesticides de synthèse, elles ont commencé à briser l’omerta dans le milieu agricole. Jusqu’ici dispersés, les opposants à l’agriculture intensive comme la Confédération paysanne, Attac, Solidaires et Eaux et Rivières de Bretagne se sont regroupés pour mener des actions.

Le combat pour les victimes des pesticides a réuni des associations et partis autour du syndicat Solidaires Bretagne, en pointe dans la dénonciation de ce scandale sanitaire. Crédit Serge Le Quéau
Le combat pour les victimes des pesticides a réuni des associations et partis autour du syndicat Solidaires Bretagne, en pointe dans la dénonciation de ce scandale sanitaire. Crédit Serge Le Quéau

Un colloque lors lequel s’est exprimé Laurent Guillou a poussé la sénatrice PS de la Charente, Nicole Bonnefoy, à organiser une mission sénatoriale. Son rapport intitulé « Les pesticides et leur impact sur la santé » rendu en 2012 conclut que « les protections contre les pesticides n’étaient pas à la hauteur des dangers et des risques ». Il débouche sur la loi Labbé, du nom du sénateur EELV du Morbihan, qui réduit l’usage des pesticides par les collectivités et les particuliers.

En 2018, des experts européens ainsi que le commissaire à la santé à Bruxelles, Vytenis Andriukaitis, ont rencontré des victimes des pesticides lors d’une enquête en Bretagne. La commission européenne avait accepté le dépôt d’une pétition portant sur le non respect des directives en matière de pesticides et sur les carences de l’Etat français en matière de contrôle.

L’institution, bien que lointaine, semble montrer plus d’égard envers les victimes des pesticides que la région Bretagne. Le président de cette dernière, le socialiste Loïg Chesnais-Girard, a confirmé en début d’année l’entrée de la collectivité au capital du groupe D’Aucy, dont la fusion annoncée avec Triskalia promet de créer un géant de l’industrie agricole.

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Yann Guéguen mène la grève à Lannion Trégor Communauté

Environ 150 agents de Lannion Trégor Communauté ont manifesté du siège de l’agglo vers le centre-ville, le jeudi 17 mai 2018. La grève contre la hausse du temps de travail et l’instauration d’une prime au mérite a commencé le mardi 15 mai, à l’appel de l’intersyndicale CGT-CFDT.

Qu’ils travaillent dans les déchetteries, les piscines, les services administratifs, à l’aquarium de Trégastel ou au volant d’un bus, les fonctionnaires territoriaux s’estiment lésés par l’harmonisation du volume de travail annuel à 1.607 heures, soit 35 heures par semaine, par la déduction de jours de congés. Ils jugent que le travail n’est pas récompensé, alors que les fusions rapides et successives entraînent des réorganisations dans les services.

Selon Yann Guéguen, professeur à l’école de musique du Trégor, représentant CGT et candidat LO aux législatives, les salariés de Lannion Trégor Communauté ne comptent par leurs heures. La suppression de congés permettrait surtout selon lui à l’agglo de se passer d’agents contractuels. L’assemblée générale propose de travailler un quartd’heure de plus par jour pour arriver au seuil recommandé par la Cour régionale des comptes.

Autre pierre d’achoppement, l’intégration d’une part variable dans la rémunération, basée sur l’évaluation des agents. Les grévistes dénoncent une mesure budgétaire qui risque de mettre en concurrence les agents et de dégrader l’ambiance de travail. Tout en facilitant le copinage, quand les critères sont difficilement quantifiables.

Après deux réunions de négociations, mardi puis mercredi, la délégation de grévistes ne note pas d’avancée de la part du président de Lannion Trégor Communauté. La direction de LTC renvoie à des négociations le 29 mai. Le mouvement se poursuivra ce vendredi 18 mai et pourrait durer, au moins, jusqu’au 22 mai, journée nationale de grève dans les trois fonctions publiques.

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Parité à Angoulême : vers le début des quotas ?!

Infographie – En cette période électorale, j’ai eu envie d’aller voir où en était le milieu de la BD avec la parité. J’ai analysé les maisons d’éditions présentes au Festival international de la BD d’Angoulême (#FIBD 2014), en me limitant à celles qui font venir cinq auteurs ou plus sur les 128 présentes (histoire d’épargner vos rétines).

Infographie réalisée à partir des données fournies par le festival (pdf).

Chez Glénat, 9 femmes contre 73 hommes font partie des auteurs présents sur le salon, soit 11 % de femmes au total, le ratio est plus impressionnant sur un grand nombre d’auteurs (Glénat compte le nombre le plus importants d’invités).

La médaille d’or est décernée à une maison qui tient bien son nom… Ego comme X : avec parmi ses auteurs, 3 femmes pour 36 hommes présents (8 %). Elle est suivie de près par Dargaud qui affiche 4 femmes pour 36 hommes présents (10 %).

Rappelons aussi que sur les 42 auteurs ayant reçu le prestigieux Grand Prix de la ville d’Angoulême seules 2 femmes ont été distinguées (5 %) : Claire Brétécher (en 1982) et Florence Cestac (en 2000).

La Déviation fait un peu de discrimination positive

Cette petite balade parmi 1.600 auteurs a été l’occasion de croiser quelques noms d’artistes à la virilité revendiquée (merci El Diablo, Terreur graphique, Ancestral Z, je n’ai pas eu à googliser vos noms pour savoir que vous êtes des messieurs) et de se bidonner devant le sérieux de certains autres… B-gnet, Muzotroimil, Mojojojo et la palme revient sans doute à Sarah Fist’hole.

Illustration - Crédits Sébastien Thibault - La DéviationL’occasion aussi de redécouvrir quelques perles au-dessus du panier de crabes (faut bien que ça serve d’être sous-représentées, mesdames). Des pépites qui seront, bien entendu, présentes au FIBD. Saluons donc la Danoise Anneli Furmark qui a signé “Peindre sur le rivage”, en 2010 : un journal intime qui tend vers l’autobiographie, d’une étudiante en arts en proie aux doutes sur sa vocation d’artiste et sur son orientation sexuelle. Un autre de ses bouquins à ne pas manquer : Le Centre de la Terre.

À ne pas louper non plus, la dessinatrice et caricaturiste congolaise Fifi Mukuna. En RDC, elle a publié dessins et caricatures, avec le soutien des rédacteurs, jusqu’en 2000 où elle a remporté la deuxième place au Grand Prix des Médias dans la catégorie caricature. Une reconnaissance qu’il l’a faite connaître, mais sa “couverture” en a pris un coup, puisque beaucoup pensaient que c’était un homme qui se cachait sous son pseudo.

Formose, de Li-Chin Lin, édition Cà-et-là
Formose, de Li-Chin Lin, éditions Cà-et-là.

Émigrée politique, Fifi Mukuna vit aujourd’hui en France et a rejoint, notamment, l’association L’Afrique dessinée, qui œuvre pour la promotion de la bande dessinée africaine. Pour elle, “trop souvent la place d’une femme est jugée comme étant singulière dans un environnement encore essentiellement masculin. La protection et le respect dont je peux bénéficier aujourd’hui ne sont pas le fruit du hasard et quand il s’agit de plancher, je le fais, comme tout dessinateur le ferait. Homme ou femme… même si en tant que femme, je pense avoir apporté un autre regard sur la femme dans le domaine de la caricature”.

Et puis il y en aurait plein d’autres : Li-Chin Lin et son premier roman graphique très prometteur Formose, sur son enfance dans la campagne taïwanaise ; Émilie Plateau, l’auteur du tout petit livre carré “Comme un plateau” qui raconte la vie d’une Française à Bruxelles ; la friponne Aurélia Aurita qui a signé “Fraises et chocolat“, un récit hautement érotique des premières semaines d’une passion amoureuse, cru, franc, tendre et amusant, à dévorer !

Anouk Ricard n’est pas non plus en reste avec son récent “Plan-plan cucul” chez les Requins Marteaux.

À vous maintenant de vous promener dans les allées et de tendre le stylo, l’oreille,ou la main aux artistEUs du neuvième art !

Visitez notre dossier Angoulême 2014

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