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Marée humaine à Guingamp pour défendre le breton

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Le battement d’ailes du Conseil constitutionnel à Paris peut-il provoquer une tornade à Guingamp ? Le spectaculaire retournement de situation autour de la loi Molac a en tout cas précipité autour de 10.000 manifestant·es dans la cité de la Plomée ce samedi après-midi (entre 6.400 selon la préfecture et 15.000 selon l’organisation).

Les défenseuses et défenseurs des langues minoritaires sont passé·es par toute les émotions récemment. Si l’adoption de l’article 4 de la loi Molac, contre l’avis du gouvernement, ouvrait la voie à l’enseignement immersif dans l’enseignement public, sa censure prononcée le 21 mai par les « sages » menace l’existence même de réseaux d’écoles comme Diwan, en Bretagne.

Or, sans un apprentissage de la langue précoce et massif, le breton continuera de perdre des locuteurs jusqu’à s’éteindre, peut-être même avant la fin de ce siècle.

Dans ce contexte, l’arrivée de la Redadeg le 29 mai à Guingamp a pris une dimension revendicative encore plus affirmée qu’à l’accoutumée. Cette course créée en 2008 pour collecter des fonds et promouvoir la pratique du breton a fusionné avec la manifestation aux abords du stade de Roudorou, dont les portes ont été ouvertes par l’En Avant en signe de soutien. Des militant·es du gallo, langue parlée en Haute-Bretagne, étaient également présent·es.

Après un défilé de presque trois heures, les participant·es se sont retrouvés dans le jardin public où le groupe de musique morbihannais Lies a donné au lieu des faux-airs de festival de la Saint-Loup. Des élèves du lycée Diwan de Guingamp ont clos le rassemblement en assurant qu’ils poursuivraient le combat initié par leurs aïeux.

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À Lannion, la manif’ comme îlot de liberté

Secteur le moins touché des Côtes-d’Armor par le Covid-19, dans le département au plus faible taux d’incidence (60 pour 100.000 habitants au 15 janvier), Lannion et le Trégor basculent comme le reste de la France en couvre-feu dès 18 h, ce samedi 16 janvier. Ironie du calendrier, c’est la date qu’a cochée la Coordination nationale #StoploiSécuritéglobale pour sa première grande mobilisation de l’année.

Sous ce régime d’exception débuté il y a près d’un an, c’est bien la défense des libertés qui motive les 500 manifestant·es présent·es sous un léger crachin en ce matin de janvier (la police en a compté 400). Liberté de manifester sans être désigné comme un ennemi de l’Etat, liberté de documenter l’action des détenteurs de la force publique sans craindre des poursuites ou encore liberté de protéger sa vie privée du regard inquisiteur des drones et autres caméras de surveillance… La liste et longue et s’allonge face aux coups de boutoir du gouvernement Castex-Macron.

De la défunte loi Avia au projet de loi « Séparatisme » (ou « confortant les principes républicains », dans sa dernière acception), chaque texte soumis au Parlement alarme son lot de syndicats, associations, autorités administratives indépendantes et parfois d’instances internationales telles que les commissariats aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unis. La coordination locale compte elle-même une vingtaine d’organisations, renforcées par un groupe d’étudiant·es en journalisme de l’IUT, qui avait pris l’initiative d’un premier rassemblement le lundi 23 novembre.

Si je tire fort, il doit bouger

C’est forte de la conviction qu’un régime autoritaire s’installe insidieusement que la petite foule s’ébranle dans les rues lannionnaises, à partir du quai d’Aiguillon. Elle suit le même chemin que la retraite aux flambeaux organisée le 15 décembre, toujours réchauffée par les airs entraînants de la fanfare Waso.

Après un passage sur le parvis de la mairie, les manifestant·es atteignent celui des droits de l’homme, abrité entre la salle des Ursulines, bientôt transformée en centre de vaccination anti-Covid, et le Carré Magique, la grande salle se spectacle trégorroise privée de spectateur·ices. C’est entre ces deux institutions de la vie associative et culturelle locale que plusieurs crieuses et un crieur scandent des dizaines de petits mots accumulés depuis trois jours sur une boîte mél (voir ci-dessous).

Un peu plus loin, des acrobates déploient leurs talents et la chorale Phonétique clôt le rassemblement, entonnant « Le Pieu », qui s’impose peu à peu comme l’hymne local du mouvement. « Si je tire fort il doit bouger et si tu tires à mes côtés, c’est sûr qu’il tombe, tombe, tombe, et nous aurons la liberté. »

Au creux d’un hiver sous état d’urgence sanitaire, la manifestation est devenue à Lannion le dernier espace d’expression collective. Beaucoup craignent ici que cela ne dure plus très longtemps.

Marc Chaignon et Michèle Landhauser du groupe local d’Amnesty International à Lannion

La fanfare Waso en format XXL

Une criée publique et populaire clot la manifestation

Photo de une : Anne Giroux

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« Marre de ce gouvernement ! » Des amies organisent une criée publique à Lannion

Etudiante en année sabbatique et demandeuse d’emploi dans le domaine de l’aide à la personne, Violette et Marie ont décidé de s’investir dans la mobilisation contre la loi « Sécurité globale » et les autres textes liberticides du gouvernement Macron-Darmanin. C’est sur le marché de Lannion, ville des Côtes-d’Armor où elles traversent cette période de couvre-feu, que les deux amies sont passées d’étal en étal, une liasse de tracts dans les mains, avant la manifestation du 16 janvier 2021.

Avec d’autres copines, elles ont proposé aux client·s comme aux commerçant·s de leur transmettre un message personnel susceptible d’être scandé à la fin de la Marche des libertés programmée ce samedi. Une intiative spontanée qui complète les actions menées localement par une coordination composée d’une vingtaine de syndicats, assocations, partis de gauche et collectifs. Lannion a déjà connu un rassemblement et une marche aux flambeaux ayant rassemblé plus de 320 personnes chaque fois, depuis fin novembre.

Par le biais de cette criée, Violette et Marie escomptent surtout donner la parole à leurs pairs, âgé·es de la vingtaine, à leurs yeux sous-représenté·es dans l’espace public. Or, les restrictions de libertés décidées pendant la crise sanitaire du Coronavirus, dont certaines risquent de se pérenniser, pèsent lourd sur le moral des étudiant·es et jeunes travailleur·ses, qui aimeraient voyager, faire la fête ou tout simplement partager des moments à plusieurs.

La progression du chômage et les perspectives sombres pour l’économie accentuent le malaise d’une partie de la jeunesse, déjà confrontée à la précarité sur le marché du travail. Une jeunesse qui subit ou constate par ailleurs une répression policières de plus en plus fréquente dès qu’elle souhaite hausser le ton.

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Le scepticisme gagne du terrain devant l’absence de résultat du gouvernement face à Nokia

Privée de barnum depuis le passage de la tempête Alex, l’intersyndicale CFDT, CGT, CFE-CGC du site Nokia de Lannion s’est retranchée dans un gymnase prêté la ville, le jeudi 8 octobre, pour rendre compte des discussions portant sur le plan dit de sauvegarde de l’emploi (PSE). L’absence d’avancée du gouvernement, dont les discussions avec la direction finlandaise du groupe de télécommunication n’ont commencé qu’à la fin de l’été, rend chaque jour plus concrête la suppression d’un emploi sur deux et la disparition à moyen terme de l’établissement.

« Nokia devrait revenir vers les salariés début octobre avec de nouvelles propositions », déclarait la ministre Agnès Pannier-Runacher lors d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 22 septembre. Deux semaines plus tard et en dépit de rumeurs relayées par la presse, le gouvernement demande aux élus du personnel d’attendre encore quinze jours avant de connaître les « avancées significatives » promises par le directeur général de Nokia France, Thierry Boisnon, en comité social et économique.

« On ne sait pas si ce sont des annulations de postes qu’ils vont nous annoncer, si ce sont de nouvelles activités, de nouveaux projets. […] Aujourd’hui, on n’a aucune idée de ce que Nokia va mettre sur la table », déplore le délégué syndical CFDT Bernard Trémulot devant 200 collègues réunis en assemblée générale, ce jeudi, à Lannion.

En réponse, l’intersyndicale compte poursuivre ses actions, convaincue du poids des images pour maintenir l’attention des autorités sur le site de Lannion. Deux lignes semblent toutefois émerger. Après l’accrochage de 402 silhouettes sur les grilles du site le 8 septembre puis l’organisation d’un relais à vélo pour rejoindre virtuellement le siège social finlandais, le 21 septembre, certains salariés réclament des actions plus fortes, susceptibles de réduire l’activité de l’entreprise, engagée dans la bataille de la 5G.

« Rien n’a bougé depuis le mois de juillet. Pour avancer, on a quinze jours pour réagir, compte Abderrahim El Boujarfaoui. Si vous voulez vraiment que les choses bougent, il faut se bouger le cul parce que maintenant c’est le site de Lannion qui va fermer. » Le délégué syndical CGT obtient des applaudissements en proposant une occupation des locaux jusqu’à l’obtention de réponses.

« Il ne faut pas leur donner le bâton pour nous battre. Je pourrais arrêter de répondre aux astreintes, mais je sais qu’il y a des Portugais et des Indiens qui n’attendent que ça », rétorque un ingénieur.

Ce changement de ton passera d’abord par un appel à quitter le télétravail pour rejoindre les bureaux afin de reformer les collectifs éclatés depuis mi-mars, à l’occasion du confinement. Un premier pas vers des actions moins « gentilles » ? Ce 8 octobre, l’option du blocage était loin de faire l’unanimité, même si la patience commence à trouver ses limites parmi les cols blancs trégorrois.

Interview d’Abderrahim El Boujarfaoui, délégué CGT

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Éric Beynel ausculte le procès France Télécom dans « La raison des plus forts »

Conférence vidéo. L’un des porte-parole de l’Union syndicale Solidaires, Eric Beynel, a donné une conférence au centre Sainte-Anne, à Lannion, lundi 28 septembre, pour présenter « La raison des plus forts ». Ce recueil des chroniques racontant les 41 jours d’audience du procès France Télécom est sorti en juin, aux éditions de l’Atelier, six mois après la condamnation de l’entreprise et de sept ex-dirigeants pour « harcèlement moral institutionnel ».

L’établissement lannionnais aujourd’hui connu sous le nom d’Orange Labs a connu plusieurs suicides durant le plan Next, qui prévoyait le départ de 22.000 salariés à l’échelle nationale, « par la fenêtre ou par la porte », selon les mots prononcés en 2006 par le P-DG Didier Lombard devant une assemblée de cadres supérieurs. Il s’agissait de la face la plus visible d’un mal-être social très profond causé par un management brutal dans une entreprise récemment privatisée, d’abord identifié par Sud PTT et la CFE-CGC, co-fondateurs d’un observatoire d stress et des mobilités forcées.

« La raison des plus forts » est pensé comme un outil militant pour tirer les enseignements d’un procès hors-norme, à l’heure où la « start-up nation » finit de mettre à genoux le code du travail et que ses députés-managers et autres ministres-DRH semblent incapables de maîtriser la crise sanitaire du Covid-19.

« La raison des plus forts », collectif, Editions de l’Atelier, juin 2020

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Nokia mettra-t-il le Trégor KO ou debout ?

Un trait de plume à Helsinki peut provoquer une tempête à Lannion (Côtes-d’Armor). Plus que jamais soumise aux aléas de l’économie mondialisée, la « capitale des télécoms » s’apprête à essuyer une énième vague de suppression d’emplois. Sauf que cette fois, c’est un tsunami qui risque d’emporter 402 postes sur 772 chez Nokia et probablement bien plus dans son sillage.

« Un ingénieur qui disparaît, ce sont jusqu’à cinq emplois perdus au total », estime Benoît Dumont. Le secrétaire de l’union locale CGT est lui-même salarié de Météo France, une des entreprises historiquement installées sur le « plateau », cette zone d’activité sortie de terre à partir de rien dans les années 1960. A l’époque, l’Etat choisit cette région agricole bordée par la Manche et loin des grands centres de décision pour implanter le Centre national d’études des télécommunications (Cnet, futur Orange Labs).

Soixante ans plus tard, les élu·es ont perdu la main depuis longtemps face aux industriels et aux financiers. La fuite des compétences n’a jamais cessé depuis le rachat d’Alcatel-Lucent par Nokia, validé par le ministre de l’Economie Emmanuel Macron contre des promesses d’embauche en 2015. L’ambition de faire de Lannion un centre majeur dans la cybersécurité, répétée un an plus tard devant le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, ne s’est jamais concrétisée. Pis, les cols blancs doivent eux-mêmes former leurs successeurs en Inde ou en Finlande et leur offrir les résultats de leur travail. Après les fonctions dites support (vente, comptabilité…), c’est la R&D qui risque d’être amputée de moitié. Le cœur même de l’activité. Alors même que 200 personnes ont été recrutées ces dernières années.

« On court derrière des choses qu’on ne maîtrise pas et qui sont contradictoires », reconnaissait le maire PS Paul Le Bihan le 23 juin sur France 3 Bretagne, le lendemain de l’annonce du plan de réorganisation en Comité social et économique (CSE). Le Trégor a toutefois conservé intacte sa capacité de mobilisation, avec 3.500 à 5.000 manifestants dans la rue ce samedi 4 juillet 2020. Près de 500 salarié·es partiront mercredi dans un TGV spécial direction Paris, pour une nouvelle démonstration de force entre Bercy et l’ambassade de Finlande. Ils retrouveront leurs collègues de Nozay dans l’Essonne, où 831 postes sur 2.900 figurent sur la liste noire de la direction. Mais si les syndicats se refusent à employer un autre mode que le conditionnel pour évoquer ce plan, à qui peuvent-ils s’adresser ?

Florian, ingénieur de recherche 5G chez Nokia à Lannion

Pauline, ingénieure en électronique numérique recrutée en 2018 par Nokia à Lannion

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« Rouvrons l’usine de masques de Plaintel », le vœu de Serge Le Quéau exaucé ?

Huit jours après le début du confinement décrété par Emmanuel Macron pour lutter contre la pandémie de coronavirus Sras-Cov-2, l’Union syndicale Solidaires des Côtes-d’Armor publie un communiqué qui fait grand bruit. « Que se cache-t-il derrière la fermeture de l’usine Honeywell de Plaintel ? Un scandale d’Etat ! » Elle propose de redémarrer une production locale et industrielle de masques respiratoires grâce aux compétences locales.

Nous nous sommes entretenus, en visioconférence, avec Serge Le Quéau, l’une des figures du syndicat de lutte Solidaires, retraité de La Poste et membre des instances nationales de l’association altermondialiste Attac. Il a remis dans l’agenda médiatique l’affaire de cette délocalisation de l’usine Honeywell, des Côtes-d’Armor vers la Tunisie, passée sous les radars en 2018.

L’affaire Honeywell raconte le désinvestissement tragique de l’Etat dans la production de masques. Propriété de Spérian jusqu’en 2011, l’usine de Plaintel (22) est alors capable de produire 250 millions de masques respiratoires par an, grâce à plusieurs lignes de production et jusqu’à 280 salarié·es. Ces masques, répondant aux normes européennes FFP2, testés sur place avec rigueur, manquent cruellement au pays aujourd’hui. Nous sommes en pénurie.

C’est aussi le symbole de la désindustrialisation du territoire dans un marché mondial de moins en moins régulé, où la recherche du profit maximum prime avant toute autre considération, en particulier sanitaire ou sociale. Ainsi, non seulement la totalité des effectifs a été licenciée au fil des années et des plans de réorganisation, mais les machines ont été détruites. Envoyées chez le ferrailleur sans émouvoir les pouvoirs publics.

Le Covid-19 oblige les politiques à réagir

Les plus hautes autorités de l’Etat étaient pourtant informées. Un délégué syndical s’est adressé à Emmanuel Macron en 2018, comme en attestent deux courriers de réponse que nous nous sommes procurés, transmis par les chefs de cabinets du président de la République et du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Les échanges se sont arrêtés là.

Toutefois, la proposition de Serge Le Quéau et de Solidaires exprimée dès le 26 mars 2020 pourrait prendre corps, dans un retournement dont l’histoire a le secret. Les collectivités locales (région Bretagne, département des Côtes-d’Armor, ville et agglomération de Saint-Brieuc, commune de Plaintel) discutent du montage d’une coopérative ouvrière de production sous forme de SCIC, dans laquelle d’ancien·nes ouvrièr·es et ingénieur·es d’Honeywell Plaintel pourraient de nouveau exercer leurs compétences. L’apport de l’Etat semble toutefois déterminant. Un geste favorable du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, est donc attendu.

Cette relance est envisagée au mieux pour la fin de l’année 2020 par l’ancien directeur Jean-Jacques Fuan, qui a réuni autour de lui d’ancien·nes salarié·es.

Elle nourrit aussi un bras de fer. Ainsi, l’intersyndicale dont font partie Solidaires et la CGT demande au préfet des Côtes-d’Armor de réunir une table ronde à laquelle ces organisations participeraient. Garantie à leurs yeux pour éviter toute dérive bureaucratique ou récupération politique. La CFDT, majoritaire dans l’ex-usine Honeywell, a dans un premier temps décrit le projet de Solidaires comme aventureux, mais semble s’être depuis rapprochée du dossier.

Tout le monde d’accord, sauf le gouvernement

Mise à jour du 21 avril 2020

Vendredi 17 avril, la secrétaire d’Etat à l’Economie écarte, à ce stade, l’hypothèse d’une participation de l’Etat dans la relance de l’usine de Plaintel. Agnès Pannier-Runacher répond alors au député LR de Loudéac-Lamballe, Marc Le Fur, lors de la première lecture du projet de loi de finance rectificative, dans l’hémicycle de l’Assemblée. Celui-ci estime souhaitable que les 20 à 25 milliards d’augmentation du compte d’affectation spéciale de l’Etat puissent servir à ce type de reconstruction.

« Concernant Plaintel, il s’agit d’une usine dont les locaux ont déjà été repris par une autre entreprise ; les machines ont été soit mises de côté, soit reprises, expose Agnès Pannier-Runacher qui omet de souligner les destructions de machines. Je sais que l’équipe est très motivée pour élaborer un projet. Néanmoins, nous sommes passés de 15 millions de masques produits par mois à 40 millions en avril. Il faut y ajouter 40 autres millions, en provenance de Kolmi Hopen et Paul Boyé Technologies, qui sont en train de renforcer leur capacité de production, ainsi que de Faurecia, de Plastic Omnium, de Michelin, de BB Distribe ; peut-être d’autres viendront-ils de l’usine Cellulose de Brocéliande, pas très loin de Plaintel, mais pas exactement dans le même département, qui démarrera plutôt la production au mois de juin. Nous poussons Cera Engineering, le constructeur français, à travailler avec Michelin, afin d’augmenter sa capacité de production de machines. Je veux vous rassurer : le projet Plaintel constitue peut-être une bonne idée, et j’en ai discuté avec le président de région, mais d’autres pistes existent. » Agnès Pannier-Runacher, secétaire d’Etat à l’économie

« S’il n’y a pas le soutien des pouvoirs publics, je ne vois pas comment on pourra le mener à bien », se désole Jean-Jacques Fuan dans Ouest-France. Directeur de l’usine entre 1991 et 2006, il avait cherché un repreneur local en 2018 avec le groupe d’investisseurs Armor Angels.

Jean-Jacques Fuan est aussi investi politiquement. Il avait été candidat suppléant aux législatives pour le parti de Marc Le Fur en 2017, quelques mois après avoir démissionné de ses mandats, en désaccord avec le maire Modem de Saint-Brieuc, Bruno Joncour. Début avril, c’est à Eric Coquerel qu’il expose la situation dans un entretien diffusé sur Youtube, dans le cadre de la « commission d’enquête de suivi du Covid-19 » lancée par La France Insoumise. L’affaire nourrit depuis la communication du mouvement.

Autre signe qui montre que les frontières politiques sont pour le moins mouvantes sur ce dossier, le principe d’une réouverture est également soutenu par la présidente LREM de l’agglomération briochine, Marie-Claire Diourou, et la section locale du Parti communiste.

Chez Les Républicains, le président du conseil départemental Alain Cadec a envoyé un courrier à Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, après une discussion avec Serge Le Quéau, aux opinions pourtant diamétralement opposées aux siennes sur la plupart des sujets. Il ajoute sa voix aux critiques et « regrette l’ambiguïté » de la secrétaire d’Etat.

« A aucun moment la ministre dit qu’elle ne fera pas le geste, minimise le président PS de la région, Loïg Chesnais-Girard dans Le Télégramme. Elle évoque des alternatives dans l’instant présent mais elle ne dit pas qu’elle ne nous aidera pas. […] A Monsieur Fuan de me prouver que c’est viable. On attend qu’il nous donne les dates et les prix. »

Chacun son secrétaire d’Etat

Le président LREM de l’Assemblée nationale joue les équilibristes. Richard Ferrand, qui siège lui-même dans la majorité régionale (tout comme des élu·es PCF), préfère voir le verre à moitié plein. Il classe Agnès Pannier-Runacher et Loïg Chesnais-Girard dans le même camp, estimant qu’ils « soupèsent les chances de succès d’un projet avant de s’engager ».

Or, c’est bien la Région et non l’Etat qui a missionné l’ancien élu écologiste Guy Hascöet sur ce dossier.

Ce dernier fait actuellement le tour des entreprises bretonnes pour obtenir des engagements d’achats, faisant vibrer la fibre régionaliste pour évacuer la question de la compétitivité. Lui qui rassure l’intersyndicale en tant que créateur du statut de Scic lorsqu’il était secrétaire d’Etat de Lionel Jospin. Lui encore qui relie les élu·es de la majorité régionale PS-LREM lui ayant accordé leur confiance.

Mais sans commande ni investissement de l’Etat, serait-ce suffisant ?

Nouveau rebondissement dans le sillage d’une visite présidentielle

Mise à jour du mercredi 22 avril

Les tractations entre la Bretagne et Paris semblent progresser puisque le ton s’adoucit mercredi 22 avril. Visiblement investie du dossier par Bruno Le Maire, qui ne pipe mot, Agnès Pannier-Runacher exprime au président de région Chesnais-Girard l’intérêt du gouvernement pour ce projet, dans une lettre dont Le Télégramme publie des extraits.

« Je vous confirme que l’État, via Santé publique France, et sous l’autorité d’Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, peut se porter acquéreur de masques de protection pour les besoins du système de santé français. »

La secrétaire d’Etat ajoute qu’il « sera possible d’étudier l’achat par l’État d’une partie des volumes produits ».

Une affirmation assortie de réserves majeures car ces commandes dépendront du « calendrier de la production du site de Plaintel », de la « faisabilité » du projet et surtout de sa « compétitivité ». Cela signifie-t-il que l’usine devra s’aligner sur les coûts de production chinois ou tunisiens ? Ou que la forme coopérative du projet déplaît au gouvernement ? Le diable se cache dans les détails.

Ce rebondissement intervient quelques heures avant la visite présidentielle programmée dans le Finistère Nord, chez les légumiers de Saint-Pol-de-Léon.

Solidaires Côtes-d’Armor n’en garde que l’aspect positif et « se félicite de cette prise de position » dans un communiqué. L’organisation en profite pour rappeler la demande de table ronde formulée par l’intersyndicale au préfet et « invite tous les anciens salarié·es de l’usine d’Honeywell, avec leurs organisations syndicales mais aussi tous les citoyen·nes costarmoricain·es à se mobiliser ».

200422 - Pétition Solidaires 22 réouverture usine masques Plaintel Scic - La Déviation
Cliquez sur l’image pour accéder à la pétition

Pour maintenir la pression, elle lance sa propre pétition en ligne qui appuie sur l’intérêt d’une fabrication de masques gérée par une société coopérative d’intérêt collectif.

« [La Scic] permet d’associer tou·tes les acteur·ices du territoire régional et de la filière, décrit le syndicat. Salarié·es, collectivités locales, associations et groupements d’acheteurs siègent à son conseil d’administration. Ces coopératives savent combiner de meilleures conditions de travail, la stabilité de l’emploi et la qualité de la production. »

Un autre texte connaît un certain succès depuis le 10 avril. Une pétition en ligne signée Alonzo Gabriel a recueilli près de 42.000 signatures au 22 avril, à 15 h. Son titre, « Coronavirus en Bretagne : la région en appelle à l’Etat et à l’Europe pour relancer son usine de masques », renvoie vers un article paru dans 20 Minutes. Elle ne fait pas mention de la Scic et contient notamment les mots clés « Frexit » (slogan de l’UPR) et « Gilets jaunes ». De quoi rappeler quelques mauvais souvenirs au chef de l’Etat.

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Face au gouffre, les intermittent·es du spectacle naviguent à vue

La culture n’aura jamais semblé aussi accessible. De nombreux contenus sont désormais disponibles en ligne, temporairement ou pendant toute la durée du confinement : collections de musées (Giacometti, Louvre), expositions (Frida Kahlo…), musique (Opéra de Paris…), littérature ou encore théâtre (par exemple le Théâtre des Amandiers…).

Cette soudaine manne de libre accès ne doit pourtant pas nous faire oublier que les artisan·nes de la culture, et notamment du monde du spectacle, déjà précaires, sont fragilisé·es par le confinement.

Pour bénéficier de leurs indemnités sur les périodes où iels ne travaillent pas, les intermittent·es du spectacle doivent faire un minimum de 507 heures (ou recevoir au moins 43 cachets) en 365 jours.

Le gouvernement a fait un premier pas en banalisant toute la période du confinement (à partir du 15 mars), qui ne comptera donc pas dans les 365 jours. De plus, les intermittent·es qui arrivent en fin de droits verront ceux-ci prolongés jusqu’à la fin du confinement. La déclaration mensuelle auprès de Pôle emploi reste d’ailleurs de rigueur.

Néanmoins, nombre de spectacles ont été annulés à partir du 4 mars, date des premières restrictions de rassemblement ; par ailleurs, la liste des événements annulés (Aucard de Tours, etc.) jusqu’à mi-juillet est longue, faisant non seulement disparaître des contrats mais aussi les bénéfices escomptés des répétitions menées au cours des derniers mois.

Un premier décret publié le 14 avril est jugé très incomplet par la CGT Spectacle, qui réclame une facilitation du recours à l’activité partielle pour les personnes en CDD d’usage, notamment. Une pétition qui anticipe une longue période de vaches maigres demande la prolongation des droits un an après la date de reprise, pour tous les artistes, technicien·nes et intermittent·es.

Sur ce dossier comme sur d’autres – pensons aux pigistes, nous vous vous parlions dans notre cinquième gazette -, l’attentisme du ministère inquiète. Franck Riester n’a fait qu’ajouter à la cacophonie en déclarant jeudi 16 avril sur France Inter que les « petits festivals » pourraient se tenir à partir du 11 mai. On se pince, quand on sait que les hôtels et restos garderont portes closes et surtout que les scientifiques craignent une « seconde vague ».

Dans l’attente d’une probable interdiction de tous les événements estivaux, les organisateur·ices peuvent théoriquement poursuivre leur travail et leurs dépenses, mais c’est bien pour une annulation qu’iels optent majoritairement. Une option qui, en l’absence d’arrêté les sécurisant financièrement, remet en cause leur pérennité, dans un secteur très soumis aux aléas.

Dans ces conditions, le plan spécifique du ministre de la Culture dont l’annonce est prévue dans quinze jours promet de susciter d’instances manœuvres en coulisses.

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Ces 50 masques par foyer qui nous manquent, ou l’affaire du rapport enterré

Un rapport remis en mai 2019 à Santé publique France recommandait de fournir, en cas de pandémie, une boîte de 50 masques par foyer, soit un milliard d’unités au total. Dix mois plus tard et faute de stocks suffisants pour faire face au Covid-19, le gouvernement dissuade les citoyens de se couvrir le visage, y compris dans un magasin. En revanche, veuillez remettre vos exemplaires en pharmacie messieurs-dames !

« On ne peut pas dire qu’il y a eu un défaut d’anticipation de cette crise, bien au contraire », défendait la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, sur CNews, lundi 23 mars. Pourtant, cette semaine encore, la pénurie de masques, de tests et de réactifs pèse sur la capacité de la France à lutter correctement contre l’épidémie de coronavirus Covid-19, dont le nombre de victimes dépassera probablement les 2.000 d’ici 24 ou 48 heures.

Devant la représentation nationale, le ministre de la Santé concédait d’ailleurs mardi que des marchandises étaient encore attendues en provenance des Etats-Unis et de Chine.

De l’aveu même d’Olivier Véran, interrogé le 17 mars sur France Inter, l’Etat ne dispose alors plus que de 110 millions de masques chirurgicaux dans ses stocks stratégiques, malgré les réquisitions annoncées quatre jours plus tôt par le premier ministre.

Pis, aucun masque FFP2, plus performant, ne traîne dans ses greniers. Jusqu’en 2011, un milliard de masques chirurgicaux et 700 millions de FFP2 étaient entreposés en permanence à travers le pays.

Des instructions ministérielles passées à partir de 2011, sous les mandats de Nicolas Sarkozy puis de François Hollande, ont causé ce désarmement. L’après-H1N1 est marqué par de vives accusations de gabegie visant Roselyne Bachelot. Les gouvernements successifs mènent une politique de réduction des dépenses publiques, qui conduit l’Etat à transférer la charge des équipements de protection vers les employeurs.

Les pouvoirs publics misent sur la capacité des usines chinoises à irriguer le marché en cas de crise. Sans anticiper l’effet qu’aurait une pandémie apparaissant précisément dans ce pays !

Les responsabilités sont collectives, mais Emmanuel Macron ne peut toutefois pas se défausser sur ses prédécesseurs. Il était informé du problème. L’actuel directeur général de la santé, Jérôme Salomon, avait remis une note de cinq pages au futur candidat à la présidentielle le 5 septembre 2016.

« Le risque doit être considéré comme important »

Une alerte encore plus récente aurait pu, ou dû, amener le gouvernement à revoir sa doctrine.

Un rapport commandé par la Direction générale de la Santé (DGS) [1] en 2016 et remis à l’agence nationale de santé publique en mai 2019 établi noir sur blanc la nécessité d’équiper la population en masques.

Avis d'experts stratégie pandémie grippale - Santé Publique France

Consultez le rapport du 20 mai 2019 intitulé « Avis d’experts relatifs à la stratégie de constitution d’un stock de contre-mesures médicales face à une pandémie grippale »

Le groupe d’experts présidé par le Pr Jean-Paul Stahl formule plusieurs recommandations. Celles relatives aux masques sont exprimées en deuxième position, immédiatement après la question des antiviraux.

« En cas de pandémie, le besoin en masques est d’une boîte de 50 masques par foyer, à raison de 20 millions de boîtes en cas d’atteinte de 30 % de la population. » Cela équivaut donc à un milliard de masques. Le même nombre qu’il y a dix ans.

« Le risque [de pandémie] doit être considéré comme important », soulignent les scientifiques, qui alertent dès la quatrième page de leur rapport sur la nécessité de faire primer les enjeux sanitaires sur les considérations d’ordre économiques.

« Un stock peut arriver à péremption sans qu’il y ait eu besoin de l’utiliser. Cela ne remet pas en cause la nécessité d’une préparation au risque. La constitution d’un stock devrait être considérée comme le paiement d’une assurance, que l’on souhaite, malgré la dépense, ne jamais avoir besoin d’utiliser. Sa constitution ne saurait ainsi être assimilée à une dépense indue. »

« Rapidité d’intervention »

Ils ne précisent cependant pas la taille de ce stock, estimant qu’elle est « à considérer en fonction des capacités d’approvisionnement garanties par les fabricants ». Capacités qui, on l’a vu, se sont révélées pour le moins défaillantes, la production ayant été délocalisée en Asie. Ce rapport ne propose pas de modélisation médico-économique, en l’absence des données nécessaires, selon ses auteurs.

Plus loin, les professionnels insistent sur la « rapidité d’intervention ». L’exemple de nos voisins helvètes guide leur préconisation.

« La Suisse a recommandé à ses habitants de constituer un stock de 50 masques disponibles en préventif au domicile. Pour cela, la Suisse a dû créer le marché et nouer un accord avec l’industrie pour réduire les coûts d’achat (pour le fixer à environ 7 centimes). Cette recommandation a été relativement bien suivie par la population. »

Loin d’écouter ce conseil, la France demeure en situation de pénurie plus de deux mois après la première alerte de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concernant le Covid-19. Bien que le pic épidémique ne soit pas encore atteint et que le bilan officiel fasse déjà état, au 26 mars, de 1.696 morts dans l’hexagone, le gouvernement demande aux Français de remettre leur stock personnel en pharmacie afin d’équiper les soignants.

Sur l’île de La Réunion, ce sont des matériels de protection périmés et parfois même moisis qui ont été livrés dans les officines par l’Agence régionale de santé.

Autre écueil identifié par les rapporteurs, le manque de coordination entre pays voisins. Leur septième principe préalable concerne en effet « le besoin d’une collaboration européenne ». C’est pourtant tout le contraire qui s’est produit, la Commission en étant toujours à l’élaboration d’un « marché public conjoint » au 26 mars, bien après que le vieux continent est devenu l’épicentre mondial de la pandémie.

Les pays asiatiques absents du rapport

Ces recommandations auraient pu être encore plus strictes, mais le rapport n’est lui-même pas dépourvu de biais.

Il s’appuie en effet sur une comparaison internationale des performances, un « benchmark », qui ne s’appuie que sur cinq pays occidentaux : le Canada, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suisse.

190520 - Avis d'experts stratégie pandémie grippale - Santé Publique France 08

Le tableau comparatif ne comporte aucun pays d’Asie, zone pourtant confrontée au premier chef par l’épidémie de Sras en 2003-2004. Aujourd’hui, les données montrent que la Corée du Sud, Taïwan, Singapour, le Japon et même la Chine savent bien mieux répondre à la crise que les pays choisis par le sous-groupe d’experts.

Le compte rendu de l’audition du Pr Fabrice Carrat est en cela révélatrice. S’il estime, au regard d’un faible corpus d’études, que « peu d’éléments factuels permettent d’affirmer que le masque est une protection très efficace dans la communauté » [l’ensemble de la population, NDR], il observe aussi que « le port du masque n’est pas culturellement admis en Europe, contrairement à ce qui est observé en Asie ».

Notre prophylaxie déficiente nous mène au confinement

« L’adoption du masque diffère donc de façon très significative suivant les zones géographiques, contrairement à l’utilisation de la solution hydro-alcoolique qui est désormais mieux admise en communauté, poursuit-il. De ce fait, les recommandations devront être assorties de mesures sociales en vue d’inciter les personnes à rester à leur domicile. »

En d’autres termes, notre prophylaxie déficiente et en particulier l’absence de campagne de prévention nous mène au confinement. Avec son cortège de défaillances économiques.

Une étude portant sur ces différences culturelles rapidement balayées aurait-elle permis d’adapter nos méthodes ? Les experts insistent sur « l’impérieuse nécessité de communication et de pédagogie coordonnée, à destination du grand public ».

L’intégration de spécialistes des sciences humaines et sociales dans le groupe d’experts aurait-elle corrigé cet angle mort ? On peut l’imaginer.

Quoi qu’il en soit, il est surtout permis de douter des capacités du gouvernement à en tenir compte. Jean-Paul Stahl se demande lui-même dans Le Canard Enchaîné du 25 mars si son rapport « n’a pas servi à caler une table au ministère ». Le dogme libéral dominait toujours jusqu’au déclenchement de « la plus grave crise sanitaire qu’ait connu la France depuis un siècle ». Parole de président.

[1] Avis d’experts relatifs à la stratégie de constitution d’un stock de contre-mesures médicales face à une pandémie grippale, Santé Publique France, 20 mai 2019, consulté en ligne le 26 mars 2020.

Illustration : Masks by Daniel Foster CC CC BY-NC-SA 2

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La retraite aux flambeaux finit au buffet de Lannion agglo

Une journée de lutte marathon contre le projet de retraite à points s’est conclue à Lannion (Côtes-d’Armor) dans la salles des Ursulines, où les élu·e·s de l’agglomération et leurs invité·e·s partageaient le traditionnel buffet consécutif aux vœux de bonne année, ce vendredi 24 janvier.

Après une première manifestation dans la matinée, puis un déplacement en car vers celle organisée à Saint-Brieuc, la première retraite aux flambeaux des syndicats lannionnais finit par bifurquer. Au lieu de se disperser sur la place du Marchallac’h, les 300 manifestant·e·s trégorrois·e·s prennent le chemin du parvis des Droits de l’Homme, entre la salle de spectacle du Carré Magique et la salle polyvalente des Ursulines, réservée pour un buffet musical. Trop tard pour assister au dernier discours de vœux du président Le Jeune, mais pas pour obtenir une réponse des maires à la lettre envoyée par l’intersyndicale la semaine dernière. Celle-ci leur demande de se positionner sur le projet de réforme gouvernemental.

« Une réforme est nécessaire »

Gardés à distance par quelques policiers, les représentants syndicaux finissent par obtenir l’arrivée d’une délégation d’élus, par l’entremise du commandant Petitbois. Le président LREM (ex-PS) de Lannion Trégor Communauté, Joël Le Jeune, se présente entouré de plusieurs vice-présidents, dont le maire divers droite de Perros-Guirec, Erven Léon (possible successeur), le maire PS de Plouzélambre, André Coënt, le maire PS de Cavan, Maurice Offret, et le maire divers droite de Pleubian, Loïc Mahé.

« Je crois qu’une réforme est nécessaire, répond Joël Le Jeune à Erwan Trézéguet, secrétaire général départemental de la CGT. Elle doit être menée et je suis pour qu’elle soit négociée. Je regrette que la CGT, notamment, ne discute pas. Discutez ! Il y a déjà eu des évolutions qui ont été faites. Aujourd’hui le système ne tient plus. »

« Aux municipales, ça va faire mal »

Interpellé dans une ambiance houleuse par une travailleuse qui lui fait remarquer qu’une personne seule avec un enfant handicapé ne peut pas vivre dignement avec 1.000 €, le président de l’agglo accepte de recevoir une délégation syndicale dans les prochains jours. Le groupe de maires repart sous les huées, les protestataires promettant de les sanctionner lors des élections municipales, en mars.

Pendant ce temps, un premier groupe de manifestant·e·s parvient à pénétrer dans la salle en passant par les cuisines. Ceux restés entendre les élus les rejoignent, drapeaux en mains. Le secrétaire de l’union locale CGT, Benoît Dumont, dont le bureau se trouve d’ailleurs à l’étage, fait une lecture au mégaphone de la lettre adressée aux élu·e·s. L’immense majorités des invité·e·s lui tournent le dos.

Sous l’immense boule à facette, deux mondes qui pourtant se connaissent – Lannion est un grand village de 20.000 habitants -, s’observent en chien de faïence. Pas plus l’hymne anti-Macron des Gilets jaunes que la chorégraphie des travailleuses « We can do it ! » ne dérident l’assemblée. Après quelques petits fours, les manifestants repartent, discrètement accompagnés par les musiciens de jazz, payés pour ambiancer la soirée.

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« Macron met la sécu à disposition du capitalisme financier », accuse Serge Le Quéau

Figure de la gauche briochine, cofondateur d’Attac, engagé auprès des victimes des pesticides comme des mal-logés, Serge Le Quéau est avant tout syndicaliste. Le retraité de La Poste qui avait claqué la porte de la CFDT en 1989 pour fonder Sud PTT Bretagne fait le lien entre la privatisation des entreprises publiques et le projet de retraite à points du gouvernement Philippe-Macron. 

Quel bilan tirez-vous de ce septième temps fort de la mobilisation, dans les Côtes-d’Armor ?

On est satisfaits de la mobilisation qui a eu lieu aujourd’hui parce que dans tout le pays il y a des manifestations. Hier soir, il y a eu des manifestations aux flambeaux dans une centaine de villes en France.

Dans les Côtes-d’Armor, ça a été très, très fort. Sur Saint-Brieuc, sur Dinan, sur Lannion, sur Guingamp et aujourd’hui encore à Saint-Brieuc nous sommes plus de 3.000 à dire notre opposition à la réforme des retraites du gouvernement Philippe et Macron.

Aujourd’hui, le gouvernement a présenté en conseil des ministres le projet de loi avec tous les articles et quand on les analyse – il y a des gens qui travaillent dessus en ce moment -, on s’aperçoit que le diable se niche dans les détails. En fin de compte, il y a énormément de régressions sociales à travers ce projet de loi. Pratiquement aucune catégorie sociale, aucun salarié ni même aucun travailleur indépendant, pratiquement personne ne va bénéficier d’avantages avec cette réforme-là. Ça va être une régression formidable.

L’âge pivot qui a été retiré et finalement réintroduit – ils appellent ça un âge d’équilibre -, le fait que les retraites soient calculées sur la carrière ça ne peut entraîner que mathématiquement une baisse des pensions. En plus, il y a aussi une dépossession des syndicats et du patronat du calcul des retraites donc du montant des retraites puisque ça permettra avec le point de laisser la main libre au gouvernement pour moduler les retraites comme comme bon lui semblera.

Neuf ans que le point d’indice des fonctionnaires est bloqué

On l’a bien vu par exemple aujourd’hui il y a un blocage dans la fonction publique du point d’indice depuis 2010. Ça fait neuf ans que le point d’indice est bloqué. On peut s’attendre, si la réforme par points passe, que le gouvernement gèle la valeur du point et donc fasse baisser d’une manière automatique les retraites. Donc plus que jamais nous restons mobilisés jusqu’au retrait de ce projet néfaste pour tout le monde.

Comme Pierre Mayeur, le directeur général de l’Ocirp, union d’institutions de prévoyance, vous dites que ce projet acte l’étatisation du régime de retraite.

C’est une rupture totale avec ce qui avait été mis en place au sortir de la guerre, en 1945, avec le système de sécurité sociale qui était un exemple dans le monde entier. Aujourd’hui, on voit bien que les néolibéraux avec Macron et puis l’oligarchie ne se contentent pas d’avoir déjà capté toute la richesse que produisaient les services publics non régaliens.

Les grands services publics, que ce soient La Poste, France Télécom, EDF et la SNCF maintenant, tous ces grands services publics qui rendaient des services aux usagers, à la population dans son entier, qui étaient un moyen de redistribution des richesses dans le pays, tout ça est passé au secteur privé marchand. Il y a des fortunes considérables qui sont faites avec ces services publics non-régaliens privatisés.

Le gouvernement s’attaque en ce moment à l’éducation nationale et à la santé. On le voit bien avec la crise sociale qui existe dans ces secteurs.

Le budget de la sécu est supérieur à celui de l’Etat

Cela ne suffit pas pour satisfaire les marchés financiers et finalement ils s’attaquent à la manne de la protection sociale. Il faut se rappeler que c’est 400 milliards d’euros par an, c’est plus important que le budget de l’Etat et qu’aujourd’hui le gouvernement Macron est en train de mettre à disposition du capitalisme financier international cette manne financière qui jusqu’à présent était un système de répartition, gérée par les organisations syndicales et patronales.

C’est un recul considérable, c’est une rupture totale avec le modèle social français. On est en train de glisser doucement mais sûrement vers un néolibéralisme à l’anglaise ou à l’américaine.

Un mot sur la stratégie de l’intersyndicale à Saint-Brieuc ou dans les Côtes-d’Armor plus généralement. 

On appelle évidemment à se rassembler chaque samedi, à 11 h, devant la gare de Saint-Brieuc, en soutien à la mobilisation des cheminots.

Solidaires appelle au rassemblement organisé par la coordination régionale des Gilets Jaunes [le samedi 25 janvier, NDR]. Ils ont choisi la ville de Saint-Brieuc pour se mobiliser, à 14 h 30, place de la préfecture. On appelle également au rassemblement mercredi 29 janvier. Ce sera encore une grande journée de mobilisation interprofessionnelle.

Nous à Solidaire on se félicite que l’intersyndicale CGT-FO-FSU et Solidaires fonctionne extrêmement bien et on se réjouit aussi qu’on s’entende parfaitement bien avec les Gilets Jaunes de Saint-Brieuc. Il y a une unité très forte, qui laissera des traces.

La grève à la SNCF et la RATP diminue. Il vous faut trouver des actions qui marquent médiatiquement, comme ces marches aux flambeaux, qui semblent avoir un certain écho. On voit les avocats, d’autres professions qui déposent leurs outils. C’est un peu nouveau ça ?

Oui, c’est nouveau. On est obligé face à la détermination du gouvernement qui veut passer en force de multiplier les actions et on ne peut pas être seulement dans la grève. Il faut avoir de l’imagination dans la lutte.

Je pense que ce qu’on a été capable de faire ça permet de maintenir une pression, parce que ce que nous disons depuis pas mal de semaines c’est qu’il n’y aura pas de paix sociale dans le pays tant que le gouvernement s’entêtera à maintenir son projet.

On va vers un type d’actions de guérilla sociale finalement. Le gouvernement veut un affrontement frontal avec les syndicats et les salariés et nous on va multiplier les actions. On ne va pas lui laisser de repos. Nous pensons que c’est la bonne stratégie pour garder des forces et ne pas lâcher le combat et faire céder le gouvernement.

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À Saint-Brieuc, l’intersyndicale fait bloc contre la retraite Macron

Engagés dans une course de fond pour faire échec à la réforme des retraites du président Macron, les syndicats CGT, FO, FSU, CFE-CGC et Solidaires ont de nouveau battu le pavé dans les rues de Saint-Brieuc, le vendredi 24 janvier. Un rendez-vous fixé à l’échelle nationale pour répondre à la présentation du projet de loi en conseil des ministres.

Ce vendredi 24 janvier, entre 2.000 et 3.000 opposants à la retraite à points répondent à l’appel des syndicats, dans les rues de la préfecture des Côtes-d’Armor, lors de ce septième temps fort national. Une affluence en hausse comparée aux précédentes manifestations, toutefois bien inférieure à celle du 5 décembre, qui inaugurait ce mouvement social.

La veille, plus de 300 personnes avaient déjà défilé au crépuscule.

« La mobilisation éclairée par des flambeaux a permis à beaucoup de continuer à exiger le retrait du projet de réforme des retraites, se réjouit Matthieu Nicol, secrétaire général de la CGT des Côtes-d’Armor. Dans le même temps, la grève se poursuit dans de nombreuses professions, qui se mobilisent et multiplient les actions de dépôt des outils de travail dans les lieux symboliques. Ce matin, plus de cent enseignants étaient à l’inspection académique pour un jeté de livres, de cartables et de chaussures. »

« Ils n’ont aucune raison de continuer »

Augmenter les salaires, atteindre l’égalité salariale, mettre fin à la précarité, prendre en compte les années d’études, soumettre à cotisations les plateformes numériques, mettre fin ou compenser les exonérations patronales, réorienter les crédits d’impôts aux entreprises vers le régime de retraite, élargir l’assiette de cotisation ou encore lutter contre la fraude et l’évasion fiscale en instaurant une contribution sociale pour la protection sociale sur les revenus du capital : l’intersyndicale expose ses contre-propositions afin d’éviter « toute ouverture à la capitalisation ».

« Deux-cents milliards d’exonérations ont été accordées au patronat. Après 2027, c’est pas 14 % c’est moins de 12 % du PIB que représenterait la question des retraites, calcule Martial Collet, secrétaire départemental de la CGT-Force Ouvirère. C’est à dire un rien ! Ils n’ont aucune raison de continuer, hormis une question dogmatique et libérale. »

Réunis dans la lutte depuis près de deux mois, les responsables syndicaux affichent leur volonté de poursuivre la mobilisation sans baisse de régime. En plus du rendez-vous hebdomadaire sur le parvis de la gare, chaque samedi, ils appellent à une nouvelle manifestation départementale à Saint-Brieuc, mercredi 29 janvier, à 13 h 30. Ce sera la veille de l’ouverture de la conférence de financement convoquée par le gouvernement, sur proposition de la CFDT.

Outre la pause décidée par la CFE-CGC, le syndicat des cadres, un point de divergence apparaît concernant la place laissée aux Gilets jaunes, dont la méfiance vis-à-vis de toute organisation traditionnelle reste palpable. Seule l’Union syndicale Solidaires par la voix de sa figure locale, Serge Le Quéau, appelle à rejoindre leur propre manifestation, samedi 25 janvier. « Même si Macron le veut pas… »

Des bons points retraite pour les travailleurs sages

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